J’étais l’autre soir à la remise du Stylo d’Or de l’ANDRH et de la revue « Personnel’, un prix destiné à récompenser l’ouvrage jugé le plus original, pertinent et proche des problématiques actuelles de la fonction RH. Je n’ai lu, à ma grande honte, qu’un seul des livres sélectionnés, celui de François Dupuy « Lost in management, la vie quotidienne des entreprises a XXIe siècle » paru aux Editions du Seuil au début de l’année 2011. Je me promets de lire les autres…et peut-être en parlerais-je ici.
En attendant, c’est justement François Dupuy qui reçoit le prix. C’est donc une occasion pour moi de dire combien j’ai apprécié ce bouquin, d’autant plus qu’il m’a fallu du temps pour en saisir toute la profondeur (dont j’espère donner ici une idée, mais rien ne vaut la lecture du bouquin).
J’ai commencé par être rebuté par la forme: en bon diplômé de Sciences Po, en bon lecteur français d’essai pleins de généralisations théoriques sur des bases empiriques faibles (je cite de mémoire une formule de Jean-Claude Casanova), les études de cas ne sont pas ma tasse de thé même si elles sont banalisées dans la littérature « business », surtout d’origine anglosaxonne. Ici, François Dupuy part de dix-huit cas d’entreprises (et huit cent interviews) pour construire sa démonstration. Bien sûr que ces cas sont intéressants parce qu’ils ont quelque chose à nous apprendre, bien sûr qu’ils sont minutieusement choisis et détaillés par l’auteur, ils n’en restent pas moins des exemples limités dont même la juxtaposition laisse difficilement entrevoir le propos qu’ils sont supposés illustrer (j’ai bien conscience que je parle ici de mes propres limites intellectuelles!).
Dans un premier temps j’en suis resté là, j’ai lu le livre sans déplaisir mais à dire vrai je suis presque complètement passé à côté. Puis j’ai eu la chance d’entendre François Dupuy au cours d’une émission de France Culture « le champ des possibles » diffusée vendredi 8 avril 2011. L’émission était intitulée « peut-on désorganiser les organisations, comment serons-nous managés demain? » avec trois invités, François Dupuy donc, Anne Pezet, cofondatrice du groupe CriM (Critique et management, le site est ici) et auteur notamment d’un « Petit bréviaire sur les idées reçues en management » que j’ai mis sur le dessus de la pile des bouquins que je dois lire, ainsi que Stéphane Vincent, directeur de la 27e région (pour savoir ce qu’est cette agence d’innovation publique rendez-vous sur son site qui est ici). Tout s’est éclairé et j’en ai eu la confirmation en entendant François Dupuy répondre aux questions du président du jury du Stylo d’Or, Michel Parlier.
La thèse de François Dupuy est donc que les entreprises ont laissé filer le travail (et les clients), qu’elles ont tenté de reprendre la main en généralisant le reporting et en intensifiant la mise en oeuvre d’une gestion par les processus et qu’elles ont ainsi fait échouer la seule stratégie potentiellement gagnante, fondée sur la confiance et la simplicité.
Evidemment c’est plus facile de mettre du reporting là où il n’y en avait pas que de donner des preuves de confiance envers ceux qui font une activité; c’est aussi plus facile (enfin, façon de parler!) de décrire un processus que de préserver la simplicité des relations de travail. Surtout qu’on a plein de raisons de le faire: Sarbanes-Oxley, loi de sécurité financière, assurance-qualité, etc. Et qu’on a plein de moyens pour le faire, les cabinets de consultants n’ont que ces mots à la bouche! Tandis que confiance et simplicité ne se décrètent pas, elles se démontrent au quotidien et que c’est du coup une autre paire de manches.
« Lost in management’, à lire, à relire, à méditer.